LES CORPS DE PLIS
Dans les séries des corps de plis, les personnages sont enveloppés, drapés, habillés de plis, ne faisant qu'un avec cette étoffe d'argile noire.
Ils sont des ébauches de formes humaines, repliées dans leur monde où seul le mouvement de leurs vêtements exprime ce désir de sortir de l'enfermement.
Ces êtres différents dans leur intégrité, retenus, emprisonnés dans leur propre carapace créée pour et par eux-mêmes essayent pourtant de se libérer du poids intellectuel de l'endoctrinement de certains concepts, traditions et idéologies.
Le pli est un attribut parmi d'autres utilisé dans la sculpture classique et religieuse pour attirer, séduire l'homme vers un mode de pensée.
En utilisant une technique très particulière, plus libre, plus instinctive, à partir de plaques d'argile qui sont plissées et posées les unes sur les autres, je compose avec l'imprévu dans une sorte d'intuition expérimentale.
Il est alors possible de redécouvrir le pli, le drapé avec ses courbes et ses contrecourbes aux combinaisons infinies et ses lignes parfaitement abstraites.
C'est donc en dénaturant le principe du pli et en transgressant son rôle initial que je peux mieux  dénoncer le poids du carcan des conventions superficielles et des discours bien rodés.
Nul besoin de symbole pour combattre le piège de l'apparence, la sculpture du pli de par sa constitution aléatoire se prête particulièrement bien à cette impression de liberté restituée après tant de questionnements. Ces plis représentent et stigmatisent ces apparences si fascinantes mais ô combien arbitraires.
Ces corps sans vrai visage, sans réelle identité, submergés par la matière du pli, se protègent à leur manière de ce monde bien pensant, tout en le dénonçant par cette mise en scène pleine de contradictions.
L'utilisation du drapé en mouvement donne toute son énergie vitale à ces hommes et femmes qui se libèrent lentement pour aller vers un processus d'indépendance où la révolte n'est plus.
Véronique Lagriffoul